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Le 560
19 avril 2017

Quel avenir pour le business du street style ?

« Ça a décollé très vite : je suis passé de zéro à un salaire à six chiffres. Ensuite, mes émoluments ont chuté, avant de se stabiliser », résume Phil Oh, un photographe de street style de la première heure dont le blog, Streetpeeper.com, lui a valu un contrat enviable avec Vogue.com durant la Fashion Week. Comme lui, de nombreux photographes de street style arrivent aujourd’hui à la conclusion que le marché pour ces images de « vrais gens » au style pointu, photographiés dans la rue ou en marge des défilés, est saturé. Les appareils photos professionnels étant désormais quasiment à la portée de tous, l’offre est en train de dépasser la demande. En effet, de plus en plus de monde partage leurs photos prises en dehors des défilés pour atteindre des fans. « Le ratio est complètement déséquilibré. Quand j’ai commencé, nous étions moins d’une quinzaine. Aujourd’hui, on peut être jusqu’à 250 à l’extérieur d’un défilé important », raconte Adam Katz Sinding, pour qui ce type de photographies était un hobby avant de devenir un business en 2011, lors de son arrivée à New York. « À l’époque c’était beaucoup plus facile. Non seulement il y avait beaucoup moins de photographes, mais en plus beaucoup moins de gens allaient aux défilés. Maintenant, il y a plus de photographes que de personnes à photographier. » « Normalement à New York, il y a tellement de travail que je m’arrache les cheveux, mais les choses ont changé », raconte Katz Sinding qui, avant que les publications ne baissent leur prix, pouvait gagner jusqu’à 20 000 dollars par média pendant les mois fastes. « Cette année, pour la première fois, j’ai eu vraiment peur de ne pas avoir de client. J’ai perdu beaucoup de commandes récemment, alors même que j’ai baissé mes tarifs au-delà du raisonnable, ajoute le photographe, qui comptait en février, parmi ses clients W Magazine, Allure et Karla Otto. Le problème est que si tu refuses un job, un gamin va le faire gratuitement à ta place. » Les publications en ligne comme The Cut, Vogue et W Magazine ont été parmi les premières à comprendre que le street style était un bon moyen d’attirer des lecteurs et elles en ont fait un élément clé de leur couverture des Semaines de la mode. Mais aujourd’hui, le street style ne se limite plus seulement aux publications en ligne : tout le monde, de Net-a-Porter à Farfetchen passant par les comptes Instagram branchés, inonde le marché d’images, modifiant au passage la valeur même de la photographie de street style. « On a pris du recul sur la couverture incessante du street style pendant la Fashion Week, notamment avec l’arrivée d’Instagram, qui permet aux “stars” de publier elles-mêmes leur look. » Stella Bugbee, rédactrice en chef de « The Cut » C’est en tout cas le point de vue de Stella Bugbee, rédactrice en chef de The Cut.« On a pris un peu de recul sur la couverture incessante du street style pendant la Fashion Week, notamment avec l’arrivée d’Instagram, qui permet aux “stars” de publier elles-mêmes leur look. Ainsi que l’omniprésence des diaporamas sur les sites de mode qui diluent notre propre travail. On continue de couvrir le street style, mais il n’a plus le même retentissement qu’il y a cinq ans. » Il est évident qu’une galerie de photos en ligne soigneusement éditée a beaucoup plus d’impact dans un paysage médiatique, où se distinguer des autres est devenu de plus en plus ardu. « Chaque saison, comme on va avoir des centaines de photos autour des défilés principaux, j’essaie de différencier W avec de nouvelles façons de mettre en valeur nos articles sur le site », explique Biel Parklee, rédacteur en chef photo sur le Web, qui constate par ailleurs que sur l’ensemble des contenus du site, les galeries de photos sur le style de rue sont celles qui attirent le plus, avec 10 000 à 50 000 pages vues chaque saison. Pour rendre ce type de posts encore plus attractifs, W envoie des photographes comme Katz Sinding vers les marchés de la mode en plein développement, notamment Oslo, Tbilissi ou Tokyo. « Quand les photographes sont sur place, on peut imaginer de mettre en scène une histoire. On trouve un intérêt éditorial. Nous discutons de ce qu’il est possible de faire au-delà du simple street style, de ce que l’on peut en tirer », explique Biel Parklee. La principale source de revenus de nombreux photographes demeure les projets commerciaux comme les campagnes publicitaires. Du coup, la photographie de street style permet de se faire connaître et d’attirer des fans en ligne. C’est le même principe pour les personnes se trouvant de l’autre côté de l’objectif. Chiara Ferragni, Aimee Song et Pernille Teisbaek font ainsi partie de ces influenceurs en ligne qui ont su utiliser le succès de leur street style pour signer des partenariats avec des marques. « Je faisais partie de ces filles que n’appartenaient pas vraiment au sérail de la mode mais qu’on photographiait, raconte Camille Charrière, une Parisienne installée à Londres qui a commencé à assister aux défilés pour son blog il y a trois ans. Ça m’a vraiment propulsée sur le devant de la scène. Des magazines comme Vogue, Harper’s Bazaar et Elle publiaient des photos de moi, et même si mon nom n’était pas toujours associé à l’image, les gens ont fini par me remarquer. Très rapidement les marques sont venues me trouver. » « Les photos de street style n’ont un sens que si elles montrent la marque de façon naturelle et si les gens peuvent s’y identifier. » Nikolaj Reffstrupp Depuis, Camille Charrière a collaboré avec des enseignes aussi diverses que Mango, Swarovski, Net-a-Porter et Mercedes-Benz. « Ça prend du temps de se faire un nom et ces marques connues ne travaillent avec vous que si vous avez voix au chapitre dans le monde de la mode », explique-t-elle. Pendant les défilés, elle peut facturer plusieurs milliers de dollars pour un seul post sponsorisé par une marque sur l’un de ses réseaux sociaux. Mais elle précise que ces tarifs varient considérablement en fonction des termes du contrat, et souligne que tous les styles de vêtements n’ont pas le même succès. « Tout dépend de la relation entretenue avec la marque. Elles ont toutes une façon bien particulière de fonctionner : certaines font des cadeaux, prêtent des vêtements ou accessoires, d’autres ne veulent absolument pas travailler avec moi et je dois acheter les pièces », raconte-t-elle. La visibilité offerte par le street style a aussi permis aux marques de renforcer leur aura et à des créateurs émergents de capter la lumière. C’est le cas de Mansur Gavriel, Reformation et Paula Cademartori, qui ont tous été d’abord repérés par les bons influenceurs avant de voir leur chiffre d’affaires grimper. « Le street style m’a carrément permis de montrer mes sacs et mes chaussures aux niveaux national et international », confirme la Brésilienne Paula Cademartori, designer d’accessoires. Sa deuxième collection de sacs a d’ailleurs connu le succès grâce à deux stars du street style, Miroslava Duma et Anna Dello Russo, qui en portait un exemplaire sur certaines photos. Le buzz des débuts a quelque peu ralenti, mais le street style demeure l’un des aspects fondamentaux de la stratégie marketing des marques. « Avec la saturation du marché, je reste persuadée que le street style joue un rôle important pour les jeunes marques comme la mienne et aide à renforcer l’image d’une marque partout dans le monde », déclare Paula Cademartori. Maartje Verhoef est aujourd’hui un mannequin en vue grâce, notamment, à des photos d’elle prises dans la rue. Ici, photographiée par Adam Katz Sinding. Pour certains, comme la marque danoise pour femme Ganni, le recours aux influenceurs a fait partie de la stratégie marketing dès le début. Chaque saison, l’entreprise travaille avec dix à quinze ambassadeurs de la mode. « Maintenant plus que jamais nous travaillons systématiquement avec eux sur les réseaux sociaux, explique Nikolaj Reffstrupp, présidente-directrice générale de Ganni. Nous leur faisons des cadeaux et leur prêtons des tenues pour que nos pièces soient repérées. Mais nous contrôlons tout ça de près, en sachant toujours exactement où se trouve chacun de nos vêtements. L’impact a été énorme, d’un point de vue commercial mais aussi pour la réputation de la marque. » Selon elle, le taux de croissance annuel moyen de l’enseigne est de 51 % depuis 2009. Pour des marques comme Ganni, le succès de leur stratégie autour des influenceurs passe avant tout par l’authenticité. « Les photos de street style n’ont un sens que si elles montrent la marque de façon naturelle et si les gens peuvent s’y identifier », explique Nikolaj Reffstrupp. Si les stratégies et les canaux d’expression ont changé, pour l’instant, les ingrédients d’un bon street style restent les mêmes. « Je ne viens pas pour vendre des photos et gagner de l’argent, assure parexemple Katz Sinding. Je le fais d’abord parce que j’aime ça. J’achèterais mes billets pour les défilés de toute façon… tant que je peux me les payer. »

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